Interview
#1
(1998)
Fille d’un photographe
écrivain mexicain et d’une ancienne actrice américaine,
Lhasa de Sela est née aux Etats-Unis. Son adolescence
lui fait parcourir l’ensemble de la côte, pour s’installer
à Mexico. |
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Dans
sa vingt cinquième année, basée à
Montréal, Lhasa vient de composer l’un des plus beaux
et mélancoliques albums de l’année 1997, «
La Llorona », du nom de la figure mythique des Aztèques
qui avait la faculté d’envoûter les hommes dès
les premier accords d’une chanson triste, et de les embrasser
afin de les statufier. Le point de départ de la structuration
musicale de cet album, co-écrit par Lhasa et Yves Desrosiers.
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Quel type d’influence vos parents ont-ils eu
sur le cours de votre carrière ?
Leur influence a été prépondérante.
Ils ont été mes professeurs durant l’enfance – nous
n’allions pas à l’école – et nous n’avons pas connu
l’influence de la télévision ; la littérature
était omniprésente. Ma mère écoutait beaucoup
de musiques tristes, que j’aimais également. Mon père
a été ma référence hispanique, et lorsque
j’ai eu envie d’écrire des chansons, il m’est arrivé
de lui téléphoner pour qu’il me donne son avis sur les
textes et les poèmes en question.
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Je pense
que votre intégration a du être assez difficile,
durant votre enfance. D’un autre coté, vous voyagiez
en permanence, sans influence télévisuelle
et en écoutant beaucoup de musique à un âge
où vous n’étiez peut-être pas en mesure
d’en comprendre toute la portée. Vous ne vous sentiez
pas déracinée ?
Si. Un peu comme une réfugiée
très solitaire. J’avais douze ou treize ans lorsque
j’ai intégré l’école ; ça a été
une expérience assez dure. J’étais très
timide, j’avais en fait assez peur des gens. Je marchais
souvent seule, mes chansons m’accompagnant.
Vos voyages entre les Etats-Unis et
Mexico ont-ils influencé votre écriture ?
Oui. En grandissant de la
façon dont j’ai grandi, on ressent la vie comme une
aventure, avec un parfum de magie et de mystère.
Ces sentiments correspondent à ceux que j’essaie
d’exprimer à travers mes compositions. |
Vous avez dit que le fait de chanter permettait
l’expression consciente de vos émotions et représentait
également une façon de les démystifier. Vous
est-il difficile de gérer de tels ressentis ?
Oui. C’est du à une nature timide et solitaire.
Le fait de chanter me permet d’exprimer des émotions qu’il
m’était impossible de communiquer. Lorsque je chante, je
peux ressentir toute la tristesse, toute la mélancolie ou
cette colère. Avec la musique, j’essaie d’en tirer une formulation
positive. Je souhaite que la beauté de ces sentiments puissent
trouver toute leur expression dans chaque création.
Pour vous, la beauté ne s’atteint pas
sans la souffrance ?
Imaginez l’ombre et la lumière ; je pense
que la musique est une combinaison des deux. Même si la lumière
n’est pas à priori mon élément premier, la
seule ombre, trop de noirceur ne mène à rien. Cette
combinaison est nécessaire pour contraster la tristesse et
l’espoir, l’amour et la rancune. C’est ce qui rend ma musique à
la fois dramatique et chaleureuse. Ce conflit est l’essence même
de mon existence. Il me faut toujours passer par des périodes
sombres pour pouvoir atteindre la lumière.
J’ai l’impression que
votre album est un peu comme un film mexicain des années
40, avec une production moderne. Mais ce serait un film qui
ne comporterait qu’une partie de votre vie. Comment envisagez
vous la suite ?
Je ne sais pas encore, mais
je pense que le prochain album sera assez différent.
Moins triste, plus extraverti. Je crois que dans les dernières
années, j’ai digéré ces chansons tristes
et j’ai aujourd’hui envie de faire quelque chose de différent.
C’est vrai que l’idée de faire du cinéma à
base d’une musique est une piste. Yves a écrit les
chansons avec moi et y apporte toute une dimension cinématique.
Mais il a également changé. Je n’ai aucune idée
de la façon dont cela se passera. Nous avons beaucoup
de spectacles à réaliser avant le mois de mai
; en suivant, j’espère pouvoir faire un break pour
prendre le temps d’écrire à nouveau.(...)
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